La métaphore oenologique

Publié le 14 juillet 2024 à 17:25

A retenir de Emile Peynaud : " D’approximations parfois brillantes et imagées comme une improvisation poétique, le Profane ne retient que le souvenir d’une élégante jonglerie verbale autour d’un verre. Il s’agit en fait d’un encerclement progressif et sincère, pour serrer de près l’insaisissable vérité.”

 

 

Et comme à chaque fois qu'il est nécessaire d'approcher au plus près l'indicible, indéfinissable, notre esprit se rapporte à l'image, à la comparaison et donc, stylistiquement à la métaphore. Justement le vin décrit, puisqu'il traduit des sensations personnelles, intimes, procure maille à départir en termes bien choisis, que l'amateur trouve toujours trop approximatifs.

Ainsi la métaphore est-elle une des spécificités du langage oenologique, car elle remédie aux lacunes terminologiques. Ces métaphores pourraient se classer selon :

- une approche anthropomorphique : l'acception ou la donnée du mot “corps” transféré sur le mot “vin” permet de lui accorder une série de propriétés (ex. chair, maigre, gras).

- une personnification : la description mentionne tout ce qui traite du caractère (chaleureux, franc, généreux, aimable, etc.)

- les traits corporels : tout ce qui relève du squelette en terme de structure, de soutien et de mouvement. (robuste, charpenté, dense, complet, etc.)

Le vin a du corps et de la charpente, (la liste synonymique: fort, puissant, solide, vigoureux...), non seulement pour ces qualités physiques mais aussi parce que culturellement, le collectif associe le vin à la force et à la santé. On n'oublie pas l'ambroisie, le vin des Dieux dans les mythologies grecques et latines, qui rendait immortel.

Selon la Bible c’est en Arménie, près du mont Ararat que Noé aurait planté les premiers pieds de vigne. L’existence du vin est attestée dès la plus haute antiquité et il est intéressant de constater que l’on retrouve dans l’Egypte pharaonique et surtout dans la Rome antique, les traces d’un droit se rapportant à la protection pénale de l’exploitation viticole, à la qualité du vin et à sa commercialisation.

 

Surtout, un symbolisme plus fort encore est institué dans la Bible. "Je suis le cep, vous êtes les sarments", trouve-t-on dans L'Evangile de Saint Jean, chapitre 15 versets 1 à 8. Et c'est le vin qui coule des calices, celui du sang, celui de L'Eucharistie...

Les métaphores empruntent essentiellement au registre profane des considérations descriptives - qui se réfèrent au corporel et à l'anthropomorphisme - plutôt qu'au mystique quand bien même nous avons évoqué le rôle éminemment religieux du vin.

     Il en est de même pour caractériser les défauts du vin. Les commentaires de dégustation recèlent de termes  qui ont trait à la physiologie. Aussi trouve-t-on fluet, maigre, chétif, léger, ténu voire grêle.

     On en vient alors à se rappeler que le vin a une existence, qu'il peut être jeunemalingre en l'état, dans la pleine force de l'âge, mûr, et enfin vieilli. Il ne peut se soustraire de la créativité sémantique engendrée par une telle idéation : et il est des défauts que le vin acquiert avec l'âge... il peut être fatigué, exangue,  puis... mort. Paix à son âme.

     S'il fallait conclure sur le rapport étroit que l'expérience sensible nous accorde au cours de la dégustation d'un vin et la facilité avec laquelle notre esprit s'est accordé de métaphoriser à partir d'un domaine plus concret et plus compréhensible, celui de l'humain, nous pourrions rajouter les marques de la sexualité. Les allusions au corps féminins sont recurrentes.

 Plus généralement, il est à observer une tendance égocentriste ( ou humaniste?) à vouloir désigner l'abstraction par ce qui appartient en propre à l'homme, au corps de l'homme : la tête de vis, le pied de biche, une main courante, les yeux de la vigne... le pied du verre!

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